Mathilda Raboud

Biographie

Je suis née à la fin des années soixante à Villaz-St-Pierre, un village de la campagne glânoise, dans le canton de Fribourg. Toute mon enfance, je l’ai passé dans la ferme construite au début du 19e siècle par mes ancêtres. Cet environnement jouera un rôle important dans mon orientation de vie.

Tout comme mes parents, je choisis de travailler la terre, de façon différente certes. Ma formation professionnelle terminée et quelques années d’expérience chez d’autres potiers, j’installe en 1993 mon propre atelier dans les annexes de la ferme. Je crée de l’utilitaire, notamment une série «poya».

La sculpture m’intéresse. Les anges deviennent mon domaine créatif favori. Je réalise alors qu’ils sont mes compagnons d’enfance ! Sur le fronton surmontant la porte de grange de la ferme, deux anges sont peints: leur représentation constitue une richesse de notre patrimoine rural.

Démarche créatrice

Parallèlement à mon travail utilitaire, je m’intéresse très tôt à l’activité du modelage en créant d’abord des figurines de petite dimension. La grandeur de mes personnages a évolué jusqu’à grandeur humaine. Pour se faire, je travaille la forme souhaitée – tête, bras, jambe, torse… – au tour, puis entreprend ensuite le façonnage et le modelage. Ma méthode consiste à réunir deux savoirs : celui du tournage et celui du modelage. Si la première activité suppose force physique et expérience, la deuxième fait appel à la sensibilité, à la finesse, à la douceur. La sculpture se présente ainsi vide et non pleine, ce qui lui donne légèreté et élégance, le tout assuré d’un étonnant équilibre.
Certaines de mes sculptures sont destinées, selon le choix de la terre, à l’extérieur, dans un jardin potager ou d’agrément.

Style

Des personnages, avec des ailes, une auréole et des expressions aussi variées que le plus intime de l’être peut contenir de sentiments et d’émotions. Serait-ce la rencontre entre l’humain et le divin, le visible et l’invisible, le conscient et l’inconscient, le rationnel et l’irrationnel, le primitif ou le mystique, l’apollinien et le dionysiaque.

Dans leur forme, mes personnages ont une apparence humaine en ce qu’ils ont une tête, et le plus souvent des mains et des pieds. Cependant, leur allure ne s’apparente pas à l’esthétique et à la beauté classique. Au contraire, ils peuvent être profondément difformes par leur gros ventre, leurs fesses rebondies, leurs joues généreuses, leurs pieds ou leurs mains aux capacités articulaires impossibles à l’être de chair.

Cette démesure dans la dimension physique contribue à créer une attitude, laquelle est bien de l’ordre de l’humain. Mais encore faut-il pouvoir décoder le message : ai-je quelque chose à comprendre derrière ce sourire ironique, polisson ou joyeux ? Humour certes, parfois provoquant le rire franc, mais pour mieux me renvoyer à la réalité.

Ainsi, ils questionnent l’observateur qui ne sait plus trop quoi en penser.

Scupture présentant un ange debout répondant au téléphone. Titre : Allô.

Ceux qui travaillent la terre en osant le grand, c’est intéressant et rare, j’ai un faible pour les céramistes qui s’aventurent dans la confection de grands objets 

— Claude Bernasconi, Le Républicain, 20 novembre 2014